Afrique – COP 22: pour une nouvelle approche dans les négociations sur le financement climatique4 minutes de lecture

Par Fortuné B. Ahoulouma

Article initialement publié dans La Tribune Afrique le 20/11/2016

Du 7 novembre au 18 novembre 2016 s’est tenue à Marrakech au Maroc la COP 22. Malgré l’élection récente de Donald Trump à la maison blanche et, avec cette élection, le risque de voir l’un des principaux pollueurs de la planète acter son retrait de l’Accord de Paris, ces négociations inaugurent une nouvelle ère : celle de la mise en œuvre dudit Accord signé en 2015 à la COP 21. Son effectivité dépendra des évolutions à venir à l’occasion des discussions de Marrakech. A ce propos, l’Afrique a une carte à jouer principalement sur les engagements relatifs au financement de l’atténuation et aux transferts de technologies.

La mobilisation d’au moins 100 milliards de dollars américains par an d’ici à 2020 aux pays en développement et l’encouragement des transferts de technologies prévus dans l’Accord de Paris constituent notamment pour les pays africains l’un des enjeux majeurs de cette COP 22 (Accord de Paris, article 9(1) ; Décisions 1/CP.21 ; Adoption de l’Accord de Paris, para. 54).

A cet engagement s’ajoute celui de Cancun en 2010 à l’occasion de la COP 16 qui a donné naissance au Fonds vert pour le climat. En effet, les pays industrialisés ont promis de consacrer 10 milliards de dollars à ce Fonds afin d’aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, à s’adapter aux changements climatiques et pour soutenir leur transition vers un développement à faibles émissions de gaz à effet de serre.

L’alliance du développement des énergies renouvelables et des technologies numérique impose aux Africains un changement d’approche dans les négociations climatiques.

La concrétisation de ces engagements au fil des négociations à venir sur le climat implique, non seulement que les pays développés jouent le jeu de la transparence mais aussi et surtout que les pays africains inscrivent ces négociations climatiques dans une toute autre logique. En effet, la planète toute entière assiste à un changement de paradigme marqué par ce que l’économiste et essayiste américain Jeremy RIFKIN qualifie de « troisième révolution industrielle », qui voit le jour sur la base de l’alliance entre le développement des énergies renouvelables et les technologies d’Internet (objets connectés, plateformes d’économie collaborative, etc). Ces derniers doivent désormais aborder ces négociations en ayant à l’esprit cette nouvelle donne et les avantages qu’elle implique pour l’Afrique qui vit un véritable phénomène de « Leapfrogging technologique ».

L’Afrique n’est plus une victime du climat, elle est un espoir pour la planète

Le continent est aujourd’hui au cœur de l’évolution de la planète. Face aux défis et aux mutations contemporaines que, seule vit l’Afrique car, unique dans l’histoire de l’humanité et jamais vécue par d’autres régions du monde (démographie galopante, urbanisation d’ampleur, besoins énergétiques et alimentaires d’importance etc), le continent fait l’objet de toutes les attentions. Les autres régions attendent d’elle des réponses et observent sa capacité à relever ces défis car, des réponses qu’elle apportera à ces défis et mutations dépendront, entre autres, les évolutions climatiques planétaires.

Il importe donc que les dirigeants africains aient conscience de cet atout et partant appréhendent les négociations climatiques sous un prisme nouveau en raison du changement de paradigme induit le développement des nouvelles technologies qui fait de l’Afrique une véritable terre d’innovation.

Aussi, à la logique traditionnelle de revendication observée depuis Stockholm en 1972 doit succéder non pas une logique de délaissement des causes climatiques mais plutôt d’engagement se traduisant par la formulation de propositions et de solutions climatiques concrètes.

Cela suppose la mise en place de politiques innovantes de développement propre (énergies, recyclage des déchets, gestion durable des ressources, agriculture durable etc). Pour se faire, un changement d’approche s’impose à la fois quant aux stratégies de développement propre privilégiées qu’au choix des acteurs impliqués dans la mise en place des stratégies de développement propre.

Alliage de politiques de développement propre centralisées et de politiques de développement propre décentralisées

Il n’a échappé à personne que l’accès à l’énergie constitue l’un des défis majeurs pour le continent africain. La question énergétique illustre bien cette nécessaire alliance entre les solutions centralisées et les solutions décentralisées de développement propre.

Plusieurs initiatives continentales, l’initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI), Energies pour l’Afrique (France), Power Africa (USA) et les initiatives dans le cadre de l’IRENA sont orientées vers le développement de solutions de production des énergies renouvelables. Ces initiatives privilégient souvent des infrastructures propres d’ampleur. La construction récente des centrales solaires Noor I au Maroc et Senergy II de Bokhol au Sénégal sont des illustrations concrètes de cette tendance.

Il importe néanmoins aujourd’hui, à l’ère du développement de solutions technologiques et numériques en la matière par les nombreux porteurs de projets africains de coupler ces grands projets d’infrastructures propres aux petits projets par une plus grande allocation de financement aux solutions énergétiques rapides, agiles et décentralisées (Mini-Grid et solutions Off-Grid).

La Banque Africaine de développement, à travers le Fonds des énergies durables pour l’Afrique (SEFA) et le Centre des technologies climatiques en Afrique (ACTC), tous deux mis en place dans le cadre de la Plateforme africaine Sustainable Energy for All (SE4ALL), s’inscrit dans cette dynamique qui fait appel à l’esprit créatif d’une jeunesse africaine tournée vers les innovations technologiques et numériques.

L’importance des acteurs de l’innovation technologique et numérique dans les discussions climatiques

Les jeunes pousses africaines de l’innovation doivent être associées aux débats climatiques. Elles ne doivent pas être perçues comme des curiosités éphémères inscrites dans un effet de mode mais être mises à contribution dans l’application de l’Accord de Paris. Les incubateurs de Start-up innovantes (I-Hub, Iceaddis, le CTIC Dakar, Klab, Mest, Activspaces, le Woelab …) ne doivent plus être confinés au Side Events de ces grands-messes climatiques mais être de véritables parties prenantes  aux négociations car, ils sont des acteurs clé porteurs de solutions de développement propres et durables dans les domaines notamment des GreenTech (exemples de M-Kopa Solar au Kenya, Afate 3D Printer au Togo, Eco_Act Tanzania en Tanzanie etc) et de l’agriculture durable (exemples de M-Farm, ICow et Safi Sarvi Organics au Kenya, Farmable la plateforme de Crowdfarming au Ghana etc). Les engagements financiers et technologiques de l’Accord de Paris constituent de réelles opportunités d’amplification desdites innovations.

Au final, une nouvelle ère des négociations climatiques qui s’ouvre. Associée à l’éclosion des nouvelles technologies et du numérique, elle offre à l’Afrique un rôle central, non plus comme actrice dépendant des aides des autres parties prenantes mais comme porteuse de solutions nouvelles pour l’ensemble de la planète. Néanmoins, une pleine effectivité de ce rôle passe pour elle par la consolidation du cadre juridique de l’atténuation et la construction des contours financiers et structurels d’un développement propre, agile, rapide (« Growth hacking ») et disruptif.

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