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Monnaie électronique: la réglementation en zone UEMOA en quelques points6 minutes de lecture

En raison de la pandémie du Covid-19 qui touche la planète, diverses mesures d’assouplissement provisoire de la réglementation relative à la monnaie électronique ont été prises au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

Selon la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), lesdites mesures “(…) visent à limiter les contacts physiques entre les personnes grâce à la réduction de l’usage de la monnaie fiduciaire ou cash en faveur des paiements électroniques”, l’objectif étant de limiter la propagation dudit virus (Avis n°004-03-2020 du 1er avril 2020 relatif aux mesures de promotion des paiements électroniques dans le contexte de la lutte contre la propagation du Covid-19 prorogé par l’avis n°009-05-2020 en date du 30 avril 2020).

Quelques mesures impact Covid-19 prises par la BCEAO

  • Gratuité des transferts de monnaie électronique entre les personnes pour des montants inférieurs ou égaux à 5.000 FCFA;

  • Assouplissement des conditions d’ouverture des comptes de monnaie électronique;

  • Relèvement du plafond de rechargement du porte-monnaie électronique qui passe de deux (2) à trois (3) millions de FCFA et du cumul mensuel de rechargement qui passe de dix (10) à douze (12) millions de FCFA;

  • Gratuité des paiements des factures d’eau et d’électricité via la téléphonie mobile pour les montants inférieurs ou égaux à 50.000 FCFA;

  • Suppression, par les émetteurs de monnaie électronique, des commissions payées par les commerçants sur les paiements marchands adossés à la monnaie électronique.

A l’instar d’autres pays africains, ces mesures en faveur de la promotion des paiements électroniques au sein de l’UEMOA sont principalement orientées vers les solutions ayant recours au Mobile Money. Et pour cause, la caractéristique principale du marché bancaire africain est qu’il bénéficie de la percée de la téléphonie mobile à l’origine du développement du mobile money. A ce propos, il convient de rappeler que le marché bancaire africain est caractérisé par un faible taux de bancarisation – environ 19,3% en 2018 au sein de l’UEMOA (BCEAO, Rapport sur la situation de l’inclusion financière dans l’UEMOA au cours de l’année 2018, Juillet 2019) contre 35% en Afrique subsaharienne – dû entre autres, au faible revenu par habitant, à une faible disponibilité des agences bancaires le plus souvent concentrées dans les zones urbaines et de manière relative à une faible confiance dans les institutions financières.

Téléphonie mobile Afrique subsaharienne

Comme l’illustre la hausse des profits de Safaricom boostés notamment par le mobile money (M-Pesa) depuis le début de la crise sanitaire, le développement des paiements mobiles pourrait s’avérer être d’une part, une opportunité d’évolution vers des sociétés “cashless” et d’autre part, un puissant levier d’inclusion financière pour les ménages en Afrique et en particulier au sein de l’UEMOA. Deux facteurs conjugués pourraient permettre de telles évolutions: la baisse des frais de transaction et une plus grande adaptation du cadre réglementaire aux enjeux locaux et aux innovations, en particulier le cadre réglementaire applicable à la monnaie électronique au sein de l’UEMOA dont nous vous proposons un petit tour d’horizon.

Qu'est-ce que la monnaie électronique?

En droit bancaire de l’UEMOA (Instruction n°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), “la monnaie électronique est une valeur monétaire représentant une créance sur l’établissement émetteur“. Cette monnaie est: 

  • stockée sous une forme électronique, y compris magnétique;
  • émise sans délai contre la remise de fonds d’un montant qui n’est pas inférieur à la valeur monétaire émise et
  • acceptée comme moyen de paiement par des personnes physiques ou morales autres que l’établissement émetteur.
Etat des lieux de la monnaie électronique - UEMOA

Quels sont les acteurs habilités à intervenir dans les opérations impliquant de la monnaie électronique?

Les acteurs agréés pour émettre et distribuer de la monnaie électronique: 

Ce sont principalement les établissements émetteurs qui comprennent:

  • les banques;
  • les établissements financiers de paiement;
  • les Systèmes financiers décentralisés (SFD) dûment autorisés. Pour information, les SFD sont des institutions dont l’objet principal est d’offrir des services financiers à des personnes qui n’ont généralement pas accès aux opérations des banques et établissements financiers tels que définis par la loi portant réglementation bancaire et habilitée aux termes de la loi portant réglementation des SFD à fournir ces prestations;
  • les établissements de monnaie électronique (EME).
L’agrément ou l’autorisation desdits établissements leur offre la possibilité de fournir les services suivants:
  • émission de la monnaie électronique;
  • distribution de la monnaie électronique;
  • stockage de données sur support électronique pour le compte d’autres personnes morales.
Il convient toutefois de signaler que les établissements émetteurs ne peuvent en cette qualité:
  • consentir, sous quelle que forme que ce soit, des services de crédit à leur clientèle
  • payer des intérêts sur les fonds perçus en contrepartie des unités de monnaie électronique émises.
Acteurs intervenant dans l'émission et la distribution de la monnaie électronique_UEMOA
Les acteurs pouvant intervenir en soutien aux établissements de monnaie électronique:  

Deux catégories d’acteurs sont identifiés.

  • les prestataires techniques:

Il s’agit principalement d’opérateurs de télécommunications (Orange, MTN, MOOV/ETISALAT…) et autres partenaires techniques (TAGPAY, WIZALL. KASH KASH SENEGAL, WARI…) Plus concrètement, c’est la structure qui fournit à un établissement émetteur, les services techniques ainsi que les conditions matérielles et logicielles pour le traitement des opérations liées à la monnaie électronique, sans être elle-même émetteur de monnaie électronique. L’activité des partenaires techniques est donc limitée au traitement technique de la monnaie électronique ou à sa distribution, sous la responsabilité de l’émetteur. Dans ce cas, les actions de communication du partenaire technique ou toute autre action à l’endroit du public doivent indiquer l’établissement émetteur, y compris lorsque celui-ci agit dans le cadre de partenariats avec plusieurs émetteurs.

  •  les distributeurs:

Personnes morales ou physiques, ils assurent la commercialisation des services proposés par les établissements émetteurs. Concrètement, les distributeurs sont autorisés à réaliser les opérations de souscription des contrats d’utilisation avec la clientèle, chargement des unités de monnaies électroniques, opérations de retraits d’espèces et de remboursement des unités de monnaie électronique et opérations de paiement.

Deux types de distributeurs doivent être distingués:

    • les distributeurs principaux: les systèmes financiers décentralisés, les institutions financières non bancaires (notamment Offices des Postes et les sociétés d’assurances, des entreprises privées non financières ou toute autre personne inscrite au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier  (RCCM) disposant de liquidités suffisantes pour répondre aux besoins des détenteurs des unités de monnaie électronique. 
    • les sous-distributeurs: ce sont des personnes physiques ou morales, immatriculées au RCCM ou à tout autre Registre tenant lieu, qui ont reçu mandat d’un ou de plusieurs distributeurs principaux chargés de les approvisionner en monnaie électronique et en liquidité, aux fins d’accomplir une ou plusieurs opérations.

Quelles sont les obligations auxquelles sont soumis les établissements émetteurs?

Deux catégories d’obligations sont mises en avant dans le présent document: 

  • les obligations réglementaires, de conformité et prudentielles,:
    • effectuer les transactions en monnaie électronique conformément aux dispositions de la réglementation des relations financières extérieures dans le cadre des transactions monnaie électronique réalisées avec les Etats non membres de l’UEMOA;
    • mise en place des dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (AML/LAB – CFT);
    • respect des obligations KYC (identification des clients);
    • assurer la protection des fonds reçus des détenteurs de monnaie électronique (domiciliation sans délai sur un compte exclusivement dédié à cette fin, identification distincte des fonds dans les comptes de l’établissement émetteur ainsi que de la banque et du SFD domiciliataire…); 
    • protection des données personnelles;
    • tenue d’une comptabilité de toutes les opérations réalisées;
    • établissement des comptes conformément aux dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises et aux autres règles particulières fixées par la Banque Centrale;
    • mise en place de dispositifs de contrôles internes…
  •  les obligations techniques avec en particulier la nécessaire satisfaction des « exigences ou spécifications techniques »:
    • liée à la solution d’émission (support technique) utilisée par l’établissement émetteur:
      • assurer une haute disponibilité de la plate-forme;
      • préserver l’intégrité des messages;
      • maintenir la confidentialité des informations;
      • garantir l’authenticité des transactions;
      • assurer la non-répudiation des transactions.
    • concrètement, l’établissement émetteur doit:
      • mettre en place un dispositif éprouvé de continuité de ses opérations;
      • mettre en oeuvre une stratégie de gestion des risques définissant la politique, les pratiques et procédures associées aux risques inhérents au système;
      • s’assurer que les dispositions techniques et opérationnelles ont été prises pour faciliter l’interopérabilité avec d’autres systèmes de paiement;
      • prouver l’existence d’une piste d’audit permettant d’assurer une traçabilité des opérations depuis l’origine de l’ordre de paiement jusqu’à son dénouement;
    • également à la charge de l’établissement émetteur:
      • assurer la traçabilité des opérations sur une période de dix ans, à compter de la date de leur réalisation
        attester du respect des exigences ci-dessus par des audits périodiques réalisés au moins une fois tous les trois (3) ans. L’audit préconisé devra être étendu à l’opérateur technique partenaire de l’établissement émetteur…

A savoir pour obtenir l'agrément d'établissement de monnaie électronique

Obtenir l'agrément d'établissement de monnaie électronique - UEMOA

L’adoption d’un cadre réglementaire applicable à la monnaie électronique en zone UEMOA a permis le développement d’une diversité de services financiers de base. Cette réglementation concourt  par ailleurs à l’inclusion financière des populations.

Gageons que l’opportunité  offerte par la crise sanitaire d’un recours important aux paiements électroniques, notamment via le Mobile money, soit une occasion d’évolution innovante et audacieuse du cadre réglementaire permettant de satisfaire pleinement les besoins en services financiers des populations de l’UEMOA. 

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