Quelle relation entre la diaspora africaine et l’Afrique à l’ère du numérique ?3 minutes de lecture

Par FORTUNÉ BAWUBADI AHOULOUMA

Article initialement publié dans le magazine Les Echos le 30 Mai 2017

La relation entre la diaspora africaine et son continent est véritablement décloisonnée à l’ère du numérique et se traduit désormais, contrairement aux clichés encore véhiculés aujourd’hui, par l’établissement de nombreuses passerelles qui permettent à ces deux “entités” de construire une relation 2.0 au service de la transformation de l’Afrique.

À l’ère d’une globalisation/mondialisation accélérée par la révolution du numérique, une relation 2.0 (caractérisée entre autres par l’ubiquité, la rapidité, la proximité virtuelle, la désintermédiation et la dématérialisation) s’est établie entre la diaspora africaine et son continent.

“Décomplexée, interconnectée, interactive et force de proposition”, cette diaspora s’est appropriée des technologies numériques (plateformes numériques, applications mobiles…) pour bâtir une nouvelle relation avec l’Afrique et proposer des produits et des services pertinents aux populations grâce à l’empathie et à une dose minimum d’intelligence émotionnelle, cette faculté intuitive qui permet “de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent”. Cette intelligence, qui semble désormais s’inscrire au coeur de la diaspora dans sa relation diaspora avec l’Afrique, pourrait contribuer à l’amplification d’actions empreintes de générosité, d’innovations et d’impacts.

Une relation empreinte de générosité

Loin de l’idée généralement véhiculée et qui consiste à la circonscrire à l’acte de donner de l’argent et/ou du matériel, la générosité dont il est question ici consiste, pour la diaspora, à distiller (sans tropicaliser bien sûr) au coeur du continent des valeurs, des codes, des pratiques et des standards internationaux qu’elle a su elle-même appréhender au gré de ses expériences, parfois douloureuses. Par ailleurs, l’expérience acquise dans un horizon plus large que le seul cadre du pays d’origine conforte cette diaspora dans ce rôle de co-construction d’une Afrique prospère.

Toutefois, réaliser cela relève aussi d’une certaine capacité à percevoir les aspirations des populations du continent en général (environ 2 milliards d’habitants d’ici à 2050) et plus particulièrement de sa jeunesse (actuellement, l’Afrique compte 50 % de jeunes de moins de 18 ans) et à identifier leurs besoins pour une collaboration adéquate.

À ce propos, les initiatives issues du continent ou de la diaspora constituent un indicateur, car elles sont pour la plupart habitées par cette générosité : plateformes d’assurances santé ou d’e-santé (WapiMed en RDC, Yenni au Sénégal ou encore Wazi Vision en Ouganda), Fintech (Thinvoid en Ouganda et Ethicphone en Côte d’Ivoire), Greentech (Coldhubs au Nigéria ou Mahazava à Madagascar), technologies au service de l’agriculture (Urbanattic au Togo ou Zenvus au Nigéria) ou encore les edtech (Kwiizi et Teachmepad au Cameroun).

Enfin, dans cette relation de co-construction du continent africain, une réelle démarche pédagogique doit être privilégiée, notamment auprès des différents acteurs africains et étrangers du continent. En cela, se saisir des outils qu’offre l’innovation technologique est capital.

Une relation dynamique grâce aux innovations technologiques

Nombreuses sont les innovations qui voient le jour sur le continent. Les acteurs africains de l’entrepreneuriat et plus spécifiquement la jeunesse africaine se saisissent des opportunités offertes par les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour proposer des solutions adaptées aux besoins des populations.
La contribution de la diaspora à cette dynamique est nécessaire et peut être amplifiée, de manière concertée, par le recours aux solutions financières, technologiques ou encore juridiques innovantes d’une réplicabilité rapide grâce aux TIC.

Dans le domaine juridique par exemple, la diaspora peut être force de propositions auprès des dirigeants, des institutions académiques et de formation ou encore des sociétés civiles en utilisant les passerelles du numérique (notamment les MOOCS) pour favoriser la construction et la diffusion de cadres normatifs et institutionnels innovants adaptés aussi bien aux enjeux de l’ère informationnelle qu’aux besoins réels du continent (transformation sociale/sociétale, économique, environnementale et politique).

In fine, une relation au service de l’impact

L’engagement sur le continent de la diaspora est sous-tendu, directement ou indirectement, par une volonté de transformation. À cet effet, le recours aux outils technologiques constitue pour la diaspora une manière assez rapide, simple et réplicable de répondre aux besoins des populations.

Toutefois, la poursuite d’un tel objectif nécessite que soient adoptées des solutions servant à mesurer l’impact des actions menées.

Cela passe non seulement par une gestion par la quantification et la mesure des initiatives, mais aussi par une évaluation précise et transparente des résultats obtenus. À cet effet, les TIC offrent des outils adéquats.
Face aux défis démographiques, d’accès à l’énergie, de transition sociétale et écologique et agricole auxquels fait face l’Afrique, il importe que la relation entre cette diaspora africaine de l’ère informationnelle et son continent soit renouvelée.

Aussi, pour un développement inclusif, la relation entre ces deux entités doit être empreinte d’une part, en ce qui concerne la diaspora, d’empathie, d’humilité et de pédagogie et, d’autre part, en ce qui concerne les dirigeants, les sociétés civiles et les populations du continent, d’accueil, d’ouverture et de disponibilité.
Ces deux “entités” ont indéniablement besoin l’une de l’autre pour co-construire l’Afrique.

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